[Focus] : Reculade ou repli stratégique : La stratégie de Yewwi Askan Wi passée à la loupe

A une dizaine de jours de l’ouverture de la campagne électorale en vue des Législatives, Yewwi Askan Wi a quitté la rue pour appeler à la mobilisation. Des analystes politiques décortiquent cette nouvelle stratégie adoptée par Ousmane Sonko et ses camarades. 
 
« Reculade ou repli stratégique ? » « Changement de tactique et décrispation ». « Revirement ». Tels sont, entre autres, les titres des quotidiens de ce jeudi 30 juin, essayant de décrypter l’annulation du rassemblement du 29 juin par la coalition Yewwi Askan Wi.
 
A la place d’une manifestation déjà interdite partout à travers  le pays, Ousmane Sonko & Cie ont plutôt opté pour un nouveau concert de casseroles ce jeudi soir « cette fois-ci pas pour dix minutes, mais pour trente minutes », rassurant qu’il « faut qu’on s’oriente résolument vers la préparation des élections législatives du 31 juillet. Yewwi Askan Wi ira à ces élections ! » 
 
Face à la presse, Ousmane Sonko explique ce changement de stratégie par l’approche de la Tabaski qui aura lieu cette année le 10 juillet, date d’ouverture de la campagne électorale, mais également la période des examens dans les écoles. 
Ainsi donc, Yewwi Askan Wi, qui refusait d’aller aux élections si l’interdiction de la liste nationale était maintenue, a changé de ton, à un mois des élections législatives. 
A qui profite cette décrispation ? Le juriste Seybani Sougou n’est pas allé par quatre chemins pour affirmer que l’opposition a évité le piège tendu par le régime en place. Selon lui, « (…) Macky Sall tablait énormément sur un boycott par l’opposition du scrutin du 31 juillet, ce qui lui aurait permis de dérouler tranquillement sa machine à frauder. Il devra réviser totalement sa stratégie puisque le scénario visant à arrêter, en amont, les leaders, pour les empêcher de battre campagne a été éventé et stoppé net ».
 
Docteur en Sciences politiques, Enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis (Ugb), Moussa Diaw, fait savoir que la coalition Yewwi s’est rendue compte, aujourd’hui, que la position radicale ne pouvait pas prospérer et elle a changé de fusil d’épaule.
 
«Leur idéal, c’est d’imposer une cohabitation, ça veut dire qu’il faut avoir un nombre élevé de députés pour avoir une majorité. Une cohabitation qui permettrait de freiner les ardeurs du Président Macky Sall, quant à un troisième mandat. La stratégie consiste à dire qu’elle va participer aux élections, car ce serait une erreur monumentale de ne pas participer à ces élections, parce qu’il y a des enjeux considérables si l’on veut changer le rapport de forces au niveau politique », analyse-t-il.
 
“YAW a évité la décapitation”
Pour sa part, Mamadou Sy Albert pense que Khalifa Sall et ses camarades ont atteint leur objectif. «Ils ont réussi la bataille d’opinion. Tout le monde sait maintenant que l’enjeu, c’était la liste des titulaires de Yewwi, le respect des libertés publiques et la bataille contre un probable troisième mandat. Maintenant, la réalité est que le contexte, avec la marche interdite, ses trois morts et ses emprisonnements, et une opinion publique qui ne souhaite pas la confrontation, Yewwi a pris en compte les conséquences de sa radicalisation. C’est trop risqué d’affronter cette réalité avec le contexte de la Tabaski et le risque de confrontations. Ils ont tenu compte de cette pesanteur », a déclaré l’analyste politique. 
 
 
«L’opposition n’est pas unie. Yaw mène sa bataille, mais les autres sont réservés par rapport à sa démarche. Les médiateurs sociaux ont réussi à ramener Yaw à la raison, sinon, ça allait entraîner la décapitation de Yewwi. Ce qu’on savait dès le départ, c’est qu’avec la liste invalidée des titulaires, Yaw pouvait y aller avec ses suppléants. Ils se disent qu’ils ont au moins les suppléants qui vont participer à l’échelle de tous les départements, ils ont vu qu’ils ne devaient pas jouer leur va-tout face au risque de perdre toute l’opinion. Cela n’en vaut pas le coût. Ils sont revenus à la raison», ajoute-t-il, indiquant qu’une arrestation des leaders à la veille de la campagne électorale n’arrangeait pas les choses. 
« Les leaders ont mesuré les risques qui sont énormes. La décapitation de Yewwi, on l’a vu pendant ces derniers jours. Avec les arrestations de Déthié Fall, Guy Marius Sagna et Ahmed Aïdara, ils ont été paralysés. S’ils avaient manifesté a et qu’on les décapite, ils vont avoir un retard sur le démarrage de la campagne. Ils ont bien mesuré les conséquences d’une décapitation. Aller à une élection sans les titulaires, ce serait un handicap énorme pour les suppléants ».