Être bien dans son corps, accueillir ses formes ou son absence de formes, c’est le message du mouvement « body positive ». À la fin de la décennie 1990, Connie Sobczak et Elizabeth Scott fondent, à la mort de la sœur de l’une d’elles de troubles du comportement alimentaire, l’organisation The Body Positive. Leur plaidoyer est simple : s’accepter telle que l’on est, lutter contre les diktats de l’apparence, et faire entendre la voix des personnes qui n’affichent pas un corps conforme à la norme.
Pourtant, malgré la bienveillance du mouvement, rapidement, les limites se font jour. Dans son ouvrage Chairissons-nous (Favre, 2019), la linguiste Stéphanie Pahud dénonce l’absurdité du body positivisme : accepter son « vrai » corps reviendrait à imposer des nouveaux standards de « beauté à bourrelets et à vergetures ». Le mouvement engendrerait de nouvelles normes pour se faire accepter et « valider » par autrui, quand le combat devrait plutôt se porter sur la déconstruction des normes, pour s’en libérer.
À l’heure où le « body positive » nous incite à être à l’aise avec notre corps, ne nous contraint-il pas à une nouvelle injonction, celle de nous « aimer comme nous sommes » ?
Taylor Swift, Jameela Jamil… Des figures majeures de la culture populaire, qui revendiquaient leur appartenance au body positivism, préfèrent désormais employer le terme de body neutrality : « J’essaie de répandre le body neutrality où je peux, et ne pas penser à quoi ressemble mon corps », explique Jameela Jamil, créatrice du mouvement @i_weigh sur Instagram.
Selon les préceptes du body neutrality, mieux vaut se concentrer naturellement sur ce qui nous fait du bien, pas sur notre apparence. Ici, pas de pression ni obsession : le body neutrality incite femmes et hommes à apprécier leurs corps pour ses capacités – produire, soulever, supporter, accoucher… -, et non pas pour l’apparence. Le body neutrality ne demande pas de chérir son corps, mais clame simplement qu’il est temps de se ménager, faire une pause, et ne même plus penser à « accepter » quoique ce soit de son enveloppe corporelle, pour être en paix avec elle.
S’accorder des vacances, en somme.